Oct 12, 2013
Dieu solaire par excellence, Rê est essentiellement adoré, sous cette appellation, à Héliopolis. Là , il intervient en tant que dieu créateur et préside sur la « Grande Ennéade » constituée de neuf dieux primordiaux : Shou et Tefnout, Geb et Nout, Osiris, Horus l’Ancien, Isis, Seth et Nephtys. Son importance est telle au sein du panthéon égyptien que, dès le règne de Chéphren à la 4eme dynastie, les pharaons enrichissent la titulature royale d’un cinquième nom : celui de Fils de Rê. Au fil des siècles et des mouvances religieuses, il est associé à de nombreuses divinités qui, pour développer leur propre culte, nécessitent cet appui solaire: c’est spécialement le cas pour les dieux Amon, Sobek ou Khnoum qui deviennent Amon-Rê, Sobek-Rê ou Khnoum-Rê. Quantité de mythes mettent en scène Rê et décrivent ses voyages quotidiens dans le ciel. Au petit matin, il se lève à l’orient et monte dans sa « barque du jour » accompagné de sa suite. Il parcourt les douze heures diurnes pour arriver le soir, à l’occident. Là , il change d’embarcation, grimpe dans sa « barque de la nuit » et effectue son voyage nocturne, également divisé en douze heures.
Pendant ce périple, lorsque la terre est plongée dans l’obscurité, il éclaire les régions obscures de l’au-delà . Puis, il réapparaît à l’aube pour recommencer un nouveau cycle. Au cours de son voyage diurne, il adopte des noms et des aspects différents : il est le scarabée Khépri à son lever, le disque solaire Rê à midi et le vieillard Atoum à son coucher.
Rê apparaît également dans toutes les légendes qui racontent son séjour sur terre, lorsqu’il était roi des dieux et des hommes, sa vieillesse et son départ définitif au ciel. Le ‘‘Livre de la Vache céleste » retrace, en détail, les dernières années de son règne terrestre et son envolée vers les hauteurs célestes. Il est reproduit et illustré dans plusieurs hypogées de la Vallée des Rois, notamment dans eux de Séthi Ier, Ramsès II et Ramsès III. Par rapport au mythe héliopolitain traditionnel, ce récit propose une version différente de la création du monde. Les mêmes dieux primordiaux interviennent, chacun occupant les mêmes fonctions; d’une légende à l’autre, seule varie la mise en place de leurs fonctions au sein de l’univers.
Le récit débute alors que les dieux et les hommes cohabitent sur la terre sous la tutelle du Maître Universel, le dieu Rê, et tout semble se dérouler parfaitement. Pourtant, avec le temps, Rê n’est plus le même homme et son corps s’est transformé: désormais, ses os sont en argent, ses membres en or et ses cheveux en lapis-lazuli. Tout simplement, il a vieilli et c’est sans doute la raison pour laquelle les hommes décident de se révolter contre lui. Averti par sa suite de l’intrigue qui se trame, il réunit le conseil des dieux dans le plus grand secret. Participent à cette réunion Shou et Tefnout, Geb et Nout, ainsi que le Noun, l’océan originel. Bien entendu, Rê attend d’eux qu’ils le conseillent : « Voici que les hommes issus de mon oeil complotent contre moi ; dites-moi ce que vous feriez à l’encontre de cela » leur dit-il. Noun lui suggère alors d’envoyer son Å“il contre les humains. Les autres dieux acquiescent car, expliquent-ils, « il n’existe pas d’Å“il supérieur à celui-ci » pour frapper les comploteurs. Ainsi, décision est prise d’envoyer sur terre l’Å“il de Rê sous la forme d’Hathor. Se transformant en déesse sanguinaire, Hathor se rend dans le désert, là où les humains se sont réfugiés, pour y répandre la terreur. Mais elle va plus loin encore : elle extermine une bonne partie de la population et effectue un véritable carnage. Fière de son exploit, elle retourne auprès du Maître Universel qui ne manque pas de la féliciter car, pense-t-il, son autorité sera d’autant plus facile à rétablir que les humains sont moins nombreux.
Cependant, Hathor semble avoir beaucoup apprécié cette mission et Rê ne souhaite pas du tout voir l’humanité disparaître. Il imagine donc un stratagème pour apaiser la soif de sang de la déesse. Il envoie des messagers à Éléphantine chargés de lui rapporter « de grandes quantités de didi« . Ce « didi » est certainement une espèce d’ocre rouge; du moins, il doit s’agir d’une substance qui rougit. Pendant ce temps, il fait brasser de grandes quantités de bière par des servantes. Mélangée à ce fameux « didi, la bière prend l’aspect du sang humain. Devant l’Å“il attentif de l’assemblée divine, on prépare cet étrange liquide que l’on verse dans sept mille cruches destinées à être répandues sur les lieux du prochain massacre.
Et, comme prévu, la déesse Hathor arrive à l’aube, bien décidée à massacrer les hommes qui restent sur la terre. Ce qu’elle aperçoit la surprend : à perte de vue, les champs sont inondés de cette bière écarlate qu’elle prend, effectivement, pour du sang. Elle ne résiste pas à l’envie d’en boire et d’en boire encore: bientôt, la voilà totalement ivre et incapable de reconnaître les hommes, donc de les tuer. C’est ainsi, dit-on, que le genre humain a été sauvé de la destruction complète.
Mais Rê se morfond. Il se sent las et fatigué. Cohabiter avec les hommes ne l’intéresse plus. Alors, pour la deuxième fois, il convoque l’assemblée des dieux à qui il exprime ses états d’âme. C’est encore le Noun qui lui offre la solution : il demande à Nout de se transformer en vache et invite le dieu solaire à s’installer sur son dos. Au petit matin, Rê contemple son royaume et constate que les hommes sont armés d’arcs, de flèches et de bâtons, prêts à s’entre-tuer. Dépité, il supplie Nout de l’éloigner de ce monde cruel: « Élève-moi » implore-t-il. Ainsi, la vache emmène le dieu solaire vers les hauteurs célestes et se transforme en déesse du ciel. Rê semble enfin heureux : de là , il peut observer tout ce qui se passe sur terre. En revanche, Nout apprécie moyennement sa situation : elle est prise de vertiges à cause de la hauteur. Pour parer à ce problème, Rê crée huit génies qui, deux par deux, doivent soutenir les quatre pattes de la vache céleste. Par ailleurs, il demande à Shou, le dieu de l’espace et de l’air, de se placer sous le ventre de Nout de façon à maintenir son corps de ses deux bras tendus.