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Lettre de M. Champollion à Beni-Hassan

Sep 20, 2012

<p style= »text-align: justify; »>Le 31 juillet 1828, Jean-François CHAMPOLLION, le père de l’égyptologie française, part pour une expédition scientifique en Egypte, afin d’appliquer aux monuments la méthode de déchiffrement des hiéroglyphes, trente ans après la campagne d’Egypte où NAPOLÉON avait emmené avec lui de nombreux savants. CHAMPOLLION y restera jusqu’en décembre 1829, où il rentrera en France pour se faire soigner de la tuberculose attrapée durant son voyage.

Les lettres reproduites sur Egyptologue.fr, initialement publiée dans la revue Le Globe, ont été publié par son oncle en 1833, puis par son fils en 1867, sous le titre de « Lettres écrites d’Egypte et de Nubie en 1828 et 1829 ». Elles appartiennent aujourd’hui au domaine public.

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Lettres écrites d’Egypte et de Nubie en 1828 et 1829

Lettre sixième

 BENI-HASSAN.

A Béni-Hassan, le 5 ; et à Monfaloutli, le 8 novembre 1828.
Je comptais être à Thèbes le 1er novembre ; voici déjà le 5, et je me trouve encore à Béni-Hassan (1). C’est un peu la faute de ceux qui ont déjà décrit les hypogées de cette localité, et en ont donné une si mince idée. Je comptais expédier ces grottes en une journée ; mais elles en ont pris quinze, sans que j’en éprouve le moindre regret ; je vais reprendre mon récit de plus haut.
Ma dernière lettre était datée des grandes pyramides, où je suis, resté campé trois jours, non pour ces masses énormes et de si peu d’effet lorsqu’on les voit de près, mais pour l’examen et le dépouillement des grottes sépulcrales creusées dans le voisinage. Une, entre autres, celle d’un certain Eimaï, nous a fourni une série de bas-reliefs très-curieux pour la connaissance des arts et métiers de l’ancienne Égypte, et je dois donner un soin très-particulier à la recherche des monuments de ce genre, qui sont aussi bien de l’histoire que les grands tableaux de bataille des palais de Thèbes. J’ai trouvé autour des pyramides plusieurs tombeaux de princes (fils de rois) et de grands personnages, mais peu d’inscriptions d’un très-grand intérêt.
Je quittai les pyramides le 11 octobre, pour revenir sur mes pas et gagner notre ancien campement de Sakkarah, à travers le désert, et de là notre flotte, mouillée à Bédréchéin, où nous arrivâmes le soir même, grâce à nos infatigables baudets et aux chameaux qui portaient tout notre bagage. Nous mîmes à la voile pour la Haute-Égypte, et ce ne fut que le 20 octobre, après avoir éprouvé tout l’ennui du calme plat et du manque total de vent du nord, que nous arrivâmes à Miniéh, d’où je fis partir tout de suite, après une visite à la filature de coton, montée en machines européennes, et après l’achat de quelques provisions indispensables.
On se dirigea sur Saouadéh pour voir un hypogée grec d’ordre dorique, déjà décrit. De là nous cinglâmes vers Zaouyet-el-Maiétin, où nous fûmes rendus le 20 même au soir ; là existent quelques hypogées décorés de bas-reliefs relatifs à la vie domestique et civile ; j’ai fait copier tout ce qu’il y avait d’intéressant, et nous ne les quittâmes que le 23 au soir, pour courir à Béni-Hassan à la faveur d’une bourrasque, à laquelle nous dûmes d’y arriver le même jour vers minuit.
A l’aube du jour, quelques-uns de nos jeunes gens étant allés, en éclaireurs, visiter les grottes voisines, rapportèrent qu’il y avait peu à faire, vu que les peintures étaient à peu près effacées. Je montai néanmoins, au lever du soleil, visiter ces hypogées, et je fus agréablement surpris de trouver une étonnante série de peintures parfaitement visibles jusque dans leurs moindres détails, lorsqu’elles étaient mouillées avec une éponge, et qu’on avait enlevé la croûte de poussière fine qui les recouvrait et qui avait donné le change à nos compagnons. Dès ce moment on se mit à l’ouvrage, et par la vertu de nos échelles et de l’admirable éponge, la plus belle conquête que l’industrie humaine ait pu faire, nous vîmes se dérouler à nos yeux la plus ancienne série de peintures qu’on puisse imaginer, toutes relatives à la vie civile, aux arts et métiers, et ce qui était neuf, à la caste militaire. J’ai fait, dans les deux premiers hypogées, une moisson immense, et cependant une moisson plus riche nous attendait dans les deux tombes les plus reculées vers le nord ; ces deux hypogées, dont l’architecture et quelques détails intérieurs ont été mal reproduits, offrent cela de particulier (ainsi que plusieurs petits tombeaux voisins), que la porte de l’hypogée est précédée d’un portique taillé à jour dans le roc, et formé de colonnes qui ressemblent, à s’y méprendre à la première vue, au dorique grec de Sicile et d’Italie.
Elles sont cannelées, à base arrondie, et presque toutes d’une belle proportion. L’intérieur des deux derniers hypogées était ou est encore soutenu par des colonnes semblables : nous y avons tous vu le véritable type du vieux dorique grec, et je l’affirme sans craindre d’établir mon opinion sur des monuments du temps romain, car ces deux hypogées, les plus beaux de tous, portent leur date et appartiennent au règne d’Osortasen, deuxième roi de la XXIIIe dynastie (Tanite), et par conséquent remontent au IXe siècle avant J.-C. (2). J’ajouterai que le plus beau des deux portiques, encore intact, celui de l’hypogée d’un chef administrateur des terres orientales de l’Heptanomide, nommé Néhôthph, est composé de ces colonnes doriques sans base, comme celles de Paestum et de tous les beaux temples grecs-doriques.
Les peintures du tombeau de Néhôthph sont de véritables gouaches, d’une finesse et d’une beauté de dessin fort remarquables : c’est ce que j’ai vu de plus beau jusqu’ici en Égypte ; les animaux, quadrupèdes, oiseaux et poissons, y sont peints avec tant de finesse et de vérité, que les copies coloriées que j’en ai fait prendre ressemblent aux gravures coloriées de nos beaux ouvrages d’histoire naturelle : nous aurons besoin de l’affirmation des quatorze témoins qui les ont vues, pour qu’on croie en Europe à la fidélité de nos dessins, qui sont d’une exactitude parfaite.
C’est dans ce même hypogée que j’ai trouvé un tableau du plus haut intérêt : il représente quinze prisonniers, hommes, femmes ou enfants, pris par un des fils de Néhôthph, et présentés à ce chef par un scribe royal, qui offre en même temps une feuille de papyrus, sur laquelle est relatée la date de la prise, et le nombre des captifs, qui était de trente-sept.
Ces captifs, grands et d’une physionomie toute particulière, à nez aquilin pour la plupart, étaient blancs comparativement aux Égyptiens, puisqu’on a peint leurs chairs en jaune-roux pour imiter ce que nous nommons la couleur de chair. Les hommes et les femmes sont habillés d’étoffes très-riches, peintes (surtout celles des femmes) comme le sont les tuniques de dames grecques sur les vases grecs du vieux style : la tunique, la coiffure et la chaussure des femmes captives peintes à Béni-Hassan ressemblent à celles des Grecques des vieux vases, et j’ai retrouvé sur la robe d’une d’elles l’ornement enroulé si connu sous le nom de grecque, peint en rouge, bleu et noir, et tracé verticalement. Ces détails piqueront la curiosité et réveilleront l’intérêt de nos archéologues et celui de notre ami M. Dubois, que j’ai regretté, ici plus qu’ailleurs, de n’avoir pas à mes côtés, parce que notre opinion sur l’avancement de l’art en Égypte y trouve des preuves archi-authentiques. Les hommes captifs, à barbe pointue, sont armés d’arcs et de lances, et l’un d’entre eux tient en main une lyre grecque de vieux style. Sont-ce des Grecs ? Je le crois fermement, mais des Grecs ioniens, ou un peuple d’Asie Mineure, voisin des colonies ioniennes et participant de leurs moeurs et de leurs habitudes : ce serait une chose bien curieuse que des Grecs du IXe siècle avant J.-C., peints avec fidélité par des mains égyptiennes. J’ai fait copier ce long tableau en couleur avec une exactitude toute particulière : pas un coup de pinceau qui ne soit dans l’original.
Les quinze jours passés à Béni-Hassan ont été monotones, mais fructueux : au lever du soleil, nous montions aux hypogées dessiner, colorier et écrire, en donnant une heure au plus à un modeste repas, qu’on nous apportait des barques, pris à terre sur le sable, dans la grande salle de l’hypogée, d’où nous apercevions, à travers les colonnes en dorique primitif, les magnifiques plaines de l’Heptanomide ; le soleil couchant, admirable dans ce pays-ci, donnait seul le signal du repos ; on regagnait la barque pour souper, se coucher et recommencer le lendemain.
Cette vie de tombeaux a eu pour résultat un portefeuille de dessins parfaitement faits et d’une exactitude complète, qui s’élèvent déjà à plus de trois cents. J’ose dire qu’avec ces seules richesses, mon voyage d’Égypte serait déjà bien rempli, à l’architecture près, dont je ne m’occupe que dans les lieux qui n’ont pas été visités ou connus. Voici un petit crayon de mes conquêtes : cette note sera divisée par matières, alphabétiquement rangées comme l’est mon portefeuille pendant le voyage, afin d’avoir sous la main les dessins déjà faits, et de pouvoir les comparer vite avec les monuments nouveaux du même genre.
1° AGRICULTURE.—Dessins représentant le labourage avec les boeufs ou à bras d’hommes ; le semage, le foulage des terres par les béliers, et non par les porcs, comme le dit Hérodote ; cinq sortes de charrues ; le piochage, la moisson du blé ; la moisson du lin ; la mise en gerbes de ces deux espèces de plantes ; la mise en meule, le battage, le mesurage, le dépôt en grenier ; deux dessins de grands greniers sur des plans différents ; le lin transporté par des ânes ; une foule d’autres travaux agricoles, et entre autres la récolte du lotus ; la culture de la vigne, la vendange, son transport, l’égrenage, le pressoir de deux espèces, l’un à force de bras et l’autre à mécanique, la mise en bouteilles ou jarres, et le transport à la cave ; la fabrication du vin cuit, etc. ; la culture du jardin, la cueillette des bamieh, des figues, etc. ; la culture de l’ognon, l’arrosage, etc. ; le tout, comme tous les tableaux suivants, avec légendes hiéroglyphiques explicatives ; plus l’intendant de la maison des champs et ses secrétaires.
2° ARTS ET MÉTIERS.—Collection de tableaux, pour la plupart coloriés, afin de bien déterminer la nature des objets, et représentant : le sculpteur en pierre, le sculpteur sur bois, le peintre de statues, le peintre d’objets d’architecture ; meubles et menuiserie ; le peintre peignant un tableau, avec son chevalet ; des scribes et commis aux écritures de toute espèce ; les ouvriers des carrières transportant des blocs de pierre ; l’art du potier avec toutes les opérations ; les marcheurs pétrissant la terre avec les pieds, d’autres avec les mains ; la mise de l’argile en cône, le cône placé sur le tour ; le potier faisant la panse, le goulot du vase, etc. ; la première cuite au four, la seconde au séchoir, etc. ; la coupe du bois ; les fabricants de cannes, d’avirons et de rames ; le charpentier, le menuisier ; le fabricant de meubles ; les scieurs de bois ; les corroyeurs ; le coloriage des cuirs ou maroquins ; le cordonnier ; la filature ; le tissage des toiles à divers métiers ; le verrier et toutes ses opérations ; l’orfèvre, le bijoutier, le forgeron.
3° CASTE MILITAIRE.—L’éducation de la caste militaire et tous ses exercices gymnastiques, représentés en plus de deux cents tableaux, où sont retracées toutes les poses et attitudes que peuvent prendre deux habiles lutteurs, attaquant, se défendant, reculant, avançant, debout, renversés, etc. ; on verra par là si l’art égyptien se contentait de figures de profil, les jambes unies et les bras collés contre les hanches. J’ai copié toute cette curieuse série de militaires nus, luttant ensemble ; plus, une soixantaine de figures représentant des soldats de toute arme, de tout rang, la petite guerre, un siège, la tortue et le bélier, les punitions militaires, un champ de bataille, et les préparatifs d’un repas militaire ; enfin la fabrication des lances, javelots, arcs, flèches, massues, haches d’armes, etc.
4° CHANT, MUSIQUE ET DANSE.—Un tableau représentant un concert vocal et instrumental ; un chanteur, qu’un musicien
accompagne sur la harpe, est secondé par deux choeurs, l’un de quatre hommes, l’autre de cinq femmes, et celles-ci battent la mesure avec leurs mains : c’est un opéra tout entier ; des joueurs de harpe de tout sexe, des joueurs de flûte traversière, de flageolet, d’une sorte de conque, etc. ; des danseurs faisant diverses figures, avec les noms des pas qu’ils dansent ; enfin, une collection très-curieuse de dessins représentant les danseuses (ou filles publiques de l’ancienne Égypte), dansant, chantant, jouant à la paume, faisant divers tours de force et d’adresse.
5° Un nombre considérable de dessins représentant l’ÉDUCATION DES BESTIAUX ; les bouviers, les boeufs de toute espèce, les vaches, les veaux, le tirage du lait ; la fabrication du fromage et du beurre ; les chevriers, les gardeurs d’ânes, les bergers et leurs moutons ; des scènes relatives à l’art vétérinaire ; enfin la basse-cour, comprenant l’éducation d’une foule d’espèces d’oies et de canards, et celle d’une espèce de cigogne qui était domestique dans l’ancienne Égypte.
6° Une première base du recueil ICONOGRAPHIQUE, comprenant les portraits des rois égyptiens et de grands personnages. Ce portefeuille sera complété en Thébaïde.
7º Dessins relatifs aux JEUX, EXERCICES et DIVERTISSEMENTS.—On y remarque la mourre, le jeu de la paille, une sorte de main-chaude, le mail, le jeu de piquets plantés en terre, divers jeux de force ; la chasse à la bête fauve, un tableau représentant une grande chasse dans le désert, et où sont figurées quinze à vingt espèces de quadrupèdes ; tableaux représentant le retour de la chasse ; le gibier est porté mort ou conduit vivant ; plusieurs tableaux représentent la chasse des oiseaux au filet ; un de ces tableaux est de grande dimension et gouaché avec toutes les couleurs et le faire de l’original ; enfin, le dessin en grand des divers piéges pour prendre les oiseaux ; ces instruments de chasse sont peints isolément dans quelques hypogées ; plusieurs tableaux relatifs à la pêche : 1° la pêche à la ligne ; 2° à la ligne avec canne ; 3° au trident ou au bident ; 4° au filet ; plus la préparation des poissons, etc.
8º JUSTICE DOMESTIQUE.—J’ai réuni sous ce titre une quinzaine de dessins de bas-reliefs représentant des délits commis par des domestiques ; l’arrestation du prévenu, son accusation, sa défense, son jugement par les intendants de la maison ; sa condamnation et l’exécution, qui se borne à la bastonnade, dont procès-verbal est remis, avec le corps du procès, entre les mains du maître par l’intendant de la maison.
9° LE MÉNAGE.—J’ai réuni dans cette série, déjà fort nombreuse, tout ce qui se rapporte à la vie privée ou intérieure. Ces dessins fort curieux représentent : 1° diverses maisons égyptiennes, plus ou moins somptueuses ; 2° les vases de diverses formes, ustensiles et meubles, le tout colorié, parce que les couleurs indiquent invariablement la matière ; 3° un superbe palanquin ; 4° des espèces de chambres à portes battantes, portées sur un traîneau et qui ont servi de voitures aux anciens grands personnages de l’Égypte ; 5° les singes, chats et chiens qui faisaient partie de la maison, ainsi que des nains et autres individus mal conformés, qui, 1500 ans et plus avant J.-C., servaient à désopiler la rate des seigneurs égyptiens, aussi bien que, 1500 ans après, celle de nos vieux barons d’Europe ; 6° les officiers d’une grande maison, intendants, scribes, etc. ; 7° les domestiques portant les provisions de bouche de toute espèce ; les servantes apportant aussi divers comestibles ; 8° la manière de tuer les boeufs et de les dépecer pour le service de la maison ; 9° une suite de dessins représentant des cuisiniers préparant des mets de diverses sortes ; 10º enfin, les domestiques portant les mets préparés à la table du maître.
10º MONUMENTS HISTORIQUES.—Ce recueil contient toutes les inscriptions, bas-reliefs et monuments de tout genre portant des légendes royales, avec une date exprimée, que j’ai vus jusqu’ici.
11° MONUMENTS RELIGIEUX.—Toutes les images des différentes divinités, dessinées en grand et coloriées d’après les plus beaux bas-reliefs. Ce recueil s’accroîtra prodigieusement à mesure que j’avancerai dans la Thébaïde.
12° NAVIGATION.—Recueil de dessins représentant la construction des bâtiments et barques de diverses espèces, et les jeux des mariniers, tout à fait analogues aux joûtes qui ont lieu sur la Seine dans les grands jours de fête.
13° Enfin ZOOLOGIE.—Une suite de quadrupèdes, d’oiseaux, de reptiles, d’insectes et de poissons, dessinés et coloriés avec toute fidélité d’après les bas-reliefs peints ou les peintures les mieux conservées. Ce recueil, qui compte déjà près de deux cents individus, est du plus haut intérêt : les oiseaux sont magnifiques, les poissons peints dans la dernière perfection, et on aura par là une idée de ce qu’était un hypogée égyptien un peu soigné. Nous avons déjà recueilli le dessin de plus de quatorze espèces différentes de chiens de garde ou de chasse, depuis le lévrier jusqu’au basset à jambes torses ; j’espère que MM. Cuvier et Geoffroi Saint-Hilaire me sauront gré de leur rapporter ainsi l’histoire naturelle égyptienne en aussi bon ordre.
J’espère compléter et étendre dignement ces diverses séries, puisque je n’ai encore vu, pour ainsi dire, aucun monument égyptien ; les grands édifices ne commencent en effet qu’à Abydos, et je n’y serai que dans dix jours.
J’ai passé, le coeur serré, en face d’Aschmounéin, en regrettant son magnifique portique détruit tout récemment ; hier, Antinoé ne nous a plus montré que des débris ; tous ses édifices ont été démolis ; il ne reste plus que quelques colonnes de granit, qu’on n’a pu remuer.
Je me suis consolé un peu de la perte de ces monuments, en en retrouvant un fort intéressant et dont personne n’a parlé jusqu’ici. Nous avons reconnu, dans une vallée déserte de la montagne arabique, vis-à-vis Béni-Hassan-el-Aamar, un petit temple creusé dans le roc, dont la décoration, commencée par Thouthmosis IV, a été continuée par Mandoueï de la XVIIIe dynastie ; ce temple, orné de beaux bas-reliefs coloriés, est dédié à la déesse Pascht ou Pépascht, qui est la Bubastis des Grecs et la Diane des Romains ; les géographes nous ont indiqué à Béni-Hassan la position nommée Speos Artemidos (la Grotte de Diane), et ils ont raison, puisque je viens de retrouver le temple, creusé dans le roc (le spéos de la déesse) ; et ce monument, qui ne présente en scène que des images de Bubastis, la Diane égyptienne, est cerné par divers hypogées de chats sacrés (l’animal de Bubastis) ; quelques-uns sont creusés dans le roc, un, entre autres, construit sous le règne d’Alexandre, fils d’Alexandre le Grand. Devant le temple, sous le sable, est un grand banc de momies de chats pliés dans des nattes et entremêlés de quelques chiens ; plus loin, entre la vallée et le Nil, dans la plaine déserte, sont deux très-grands entrepôts de momies de chats en paquets, et recouverts de deux pieds de sable.
Cette nuit j’arriverai à Osiouth (Lycopolis), et demain je remettrai cette lettre aux autorités locales pour qu’elle soit envoyée au Caire, de là à Alexandrie, et de là enfin en Europe ; puisse-t-elle être mieux dirigée que les vôtres ! car je n’ai rien reçu d’Europe depuis mon départ de Toulon. Ma santé se soutient, et j’espère que le bon air de Thèbes m’assurera la continuation de ce bienfait. Adieu.
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Notes :
(1) : Beni Hasan (également orthographié Bani Hasan ou Beni-Hassan) est un village en Moyenne Egypte à environ 25 km au sud de Al Minya, sur la rive est du Nil, dotée de catacombes remarquables. Au Moyen Empire, elle fut le centre du culte de Pakhet, une déesse chatte identifiée à d’autres déesses félines : Bastet (en Haute-Egypte), à Sekhmet (en Basse-Egypte). A Beni-Hassan, elle est assimilée à la déesse Hathor, qui pouvait prendre la forme d’une lionne, et au dieu Horus, sous le nom « Horus Pakht ». On a d’ailleurs retrouvé de nombreux faucons momifiés sur le site.
(2) : L’égyptologie utilise aujourd’hui des noms et des périodes plus précis. Le roi identifié par Champollion est sans doute le pharaon Osorkon III (-787 à -757 environ), quatrième roi de la dynastie de Tanis.

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